~ Transmission du 22 décembre 2021 ~
~ (enfin, presque) ~
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Il y a un peu plus de trois ans, ou le 3 septembre 2018 pour être précis, sous le couvert de mon ancien nom de plume, je lançai mon RantBook qui se voulait apporter un vent d’originalité au genre avec son titre étrange et décalé. En cette rentrée de Licence 3 et parce que j’échappai enfin au cauchemar qui avait empoisonné ma vie deux années durant, j’étais complètement euphorique à l’idée d’apporter ma pierre à l’édifice cacophonique des non-fictions de notre réseau social littéraire numéro un (je parle bien évidemment de Wattpad et je suis, effectivement, cynique). Ah, et je n’évoque pas seulement une excitation un peu explosive, j’insiste bien sur le fait que sur le moment ça relevait plus d’une saute d’humeur incontrôlable et incroyablement positive — une crise d’euphorie, qu’on dit, quand on a des tendances lunatiques aussi violentes qu’une conversation entre deux extrémistes de mouvements contradictoires.
En ce temps-là — ouais, je parle comme si ça se passait il y a trente ans, et alors ? — mais surtout compte tenu de cet élan de motivation surnaturel (ceux qui ont déjà fait des crises d’euphorie savent à quel point cette vague d’énergie et de créativité est grisante — et ils savent aussi à quoi ressemble le contre-coup dégueulasse qui vous explose à la gueule de façon aléatoire pour vous convertir en carpette une fois que l’entrain se dissipe —), je pensais pouvoir aisément tenir une cadence de publication ô combien absurde à mes yeux d’aujourd’hui : au moins deux publications dans ce rantbook par semaine, en plus des autres histoires que je me devais d’avancer ; et ce en dépit des cours à suivre avec un minimum de sérieux, de mon investissement social dans le programme de tutorat de l’université et d’une vie de couple à maintenir quelque peu à flots sachant que des deux j’étais celui qui vivait avec le moins de contraintes puisque j’avais quitté la prépa.
De toute évidence, comme voudra peut-être le relever Xavier au premier rang pour faire le fayot, c’était un rythme dense. Pourtant, rien d’impossible. J’avais survécu à la prépa et, même si les nuits de quatre heures de sommeil étaient devenues une coutume à proscrire, les cours à la fac n’avaient rien de comparable aux trous noirs d’énergie que sont les révisions quotidiennes dans l’espoir de survivre aux khôlles et aux devoirs surveillés du samedi matin.
Néanmoins, je niais tout de même par cette réflexion deux points pourtant fondamentaux, qui allaient noyer mon élan de commère plus vite encore qu’il ne vit le jour. Le premier est aussi éternel que la connerie humaine et me met encore du plomb dans l’aile de nos jours. Vous la connaissez bien, c’est mon incapacité chronique à m’organiser et cadrer ma vie plus de deux jours d’affilé. Si aujourd’hui, après des mois d’efforts et d’amélioration, il m’arrive encore de louper le coche de mes articles hebdomadaires, vous imaginez sans peine le cataclysme que cette idée inconsciente s’apprêtait à déchaîner dans mon quotidien de l’époque, alors que mon principal besoin était de retrouver le plaisir de n’avoir absolument aucune contrainte dans mon emploi du temps après m’être noyé d’obligations durant vingt-quatre mois interminables.
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Je vous entends déjà « Dis-donc, Wayce, pourquoi se lancer dans un tel périple, dans ce cas, pourquoi ne pas se donner cette année pour respirer comme c’était prévu ? »
Vous savez, le problème était générique et résonnait dans tous les aspects de ma vie. Avant même de parler de mes problèmes organisationnels, vous auriez même pu tiquer sur le choix que j’ai fait de me donner d’autres contraintes personnelles telles que le tutorat, que j’ai laissé bien volontiers me dévorer du temps libre tandis que c’est de l’écriture que j’entends vivre. À cette époque-là, cependant, je n’étais pas encore dans la philosophie ‘‘écrivain ou rien’’ qui fêtera ses un an dans quelques semaines — Joyeux anniversaire ! — et aussi parce que je me suis laissé embrigader dans les projets des autres, sans jamais savoir dire non ou quand il faut s’arrêter. Une période que je conclurais par un adage aussi vieux que le libéralisme ‘‘Trop bon, trop con.’’
Pourquoi m’être ajouté une couche dans ce sandwich déjà bien épais en signant le défi de publication régulière ? D’abord parce que c’était la mode de ce format rantbook que moi je venais de découvrir, et je voulais éprouver mes talents dans le tumulte lexical à travers des récits banals et inutiles. Ce serait aussi l’occasion de participer à des gamineries et des défis communautaires pour amener un peu de légèreté, celle qui me faisait défaut dans ma façon d’aborder l’écriture à ce moment-là. La pression que je me mettais pouvait aussi être une des raisons pour lesquelles je peinais à avancer mes histoires, et se tourner vers un format absurde et sans prise de tête offrait une belle solution de prime abord.
Il faut bien prendre la mesure de ce qu’est destiné à être un rantbook : une forme de blog dans le format style de vie où on explique dans tous les sens ce qu’on a bouffé à la cantine et dans quelle mesure le conflit d’intérêt avec Jessica vous empêche d’être un écrivain efficace — le but principal est de maintenir le lectorat (ou plutôt sa communauté, puisqu’on est sur un réseau social) dans une ambiance qui porte votre patte, leur rappeler qu’on existe et ne pas se faire oublier même si le chapitre suivant tarde à venir. C’est ce détail qui donne à la publication bihebdomadaire un caractère immuable. Si vous loupez le coche, les gens oublient et se lassent (quand ils viennent de temps à autre dans l’espoir de voir une nouveauté) et au mieux ils vous croiront mort, mais le résultat sera toujours le même : tous ces efforts n’auront servi à rien.
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Cependant, la deuxième (et sans-doute la plus importante) de ces difficultés vous fera — je l’espère ! — rire d’absurde autant que mon regard critique d’aujourd’hui me fait me demander comment j’ai pu croire un instant que cette lubie était viable.
« Mais, Wayce, qu’y a-t-il de si hilarant que je ne comprends même pas la phrase ci-dessus censée me faire réaliser à quel point c’est drôle ? » me demandez-vous.
Et moi de répondre de façon absurdement sérieuse pour ajouter au comique de la situation : « Sept heures. »
« ‘‘Sept heures’’ ? comme si ça donnait un quelconque début de réponse alors que ça ne veut rien dire. »
Oui bah ça va, deux minutes ! Arrêtez de désamorcer toutes mes vannes avec l’enjaillement d’une porte de prison sibérienne [oui, froide comme une porte de prison, et froide comme la Sibérie].
Sept heures, donc. C’est le temps que je me suis vanté de mettre pour écrire un de mes articles de rantbook. Un seul article de rantbook. Un put-henrg de seul article de rantbook [je précise pour ceux qui ne l’auraient pas entendu (entendu à l’écrit, bien évidemment, je suis pas idiot !) que je me suis étouffé sur la dernière phrase].
Je me permets de rappeler sans condescendance aucune à notre cher George, au fond de la salle, qui, comme d’habitude, n’a absolument rien suivi, que je voulais en faire deux par semaine. Des articles. Deux articles par semaine, et ça devait être une activité secondaire.
Sept heures.
Deux fois.
Par semaine.
C’est bon, vous rigolez, là, ou j’ai besoin de préciser que c’est déjà plus du quart d’une semaine de travail de quarante heures ?
Alors que, si je me souviens bien, on avait dit ‘‘secondaire’’. Secondaire dans l’écriture qui était déjà quelque peu secondaire à cette période devant les cours et le reste.
Bon, maintenant que tout le monde a bien ri et que j’ai beuglé un coup, revenons et attardons-nous sur le problème central. Je veux dire, le problème, au-delà des sept putains d’heures en elles-mêmes (quoi ? vous connaissez pas le comique de répétition ?).
Qu’on s’entende sur un point, passer autant de temps sur un vulgaire article, que ce soit pour un blog ou un rantbook, n’est pas en soi une absurdité sans nom. J’ai d’ailleurs un respect sans bornes pour des gens qui ont ce souci du détail. Néanmoins, c’est toujours un peu mieux justifié quand c’est votre métier, que vous avez un retour sur investissement et que vous n’avez pas toute une autre vie, travail — ou études — compris, à gérer à côté. Et pour répondre aux petits lutins malicieux que je vois dégainer d’un sourire narquois qui ferait ressortir leurs dents tordues et déchaussées : « Oui-hin, mais Wayc-hin, c’est pas un métier-hin, c’est une passion-hin, un hobby-hiin, que tu fais sur ton temps libr-hiiiiiiin. »
(Ne me demandez pas pourquoi les lutins malicieux ont l’accent parisien, vous ne pourriez survivre à la vérité)
Alors… déjà, laissez-moi bien vous dire une chose : les bonnets verts à grelots, c’est MOCHE.
Ensuite, j’ai envie de répondre « une passion, oui, d’accord, mais quand est-ce que je dors ? » (avec la rime, oui, oui). Enfin, vous comprenez, je suis un être faible et fragile, j’ai malheureusement des besoins physiologiques. Non, plus sérieusement (parce que oui, il m’arrive d’être sérieux [des fois]) je crois que le véritable problème avec ces publications de rantbook était que je les prenais au sérieux comme si c’était un métier. C’est un métier qui pourrait d’ailleurs me convenir aujourd’hui si je cherchais à réitérer l’expérience, mais dans ce contexte-là, ce n’était pas un choix opportun d’y consacrer autant d’efforts.
Nous voilà face à mon erreur : j’ai pris le principe de rantbook, je l’ai essoré et j’ai tenté d’en faire quelque chose d’aussi qualitatif que possible — très spécial et dérangeant, certes, mais qualitatif. Or, le but originel d’un tel bouquin, pour ceux qui ont la chance de ne jamais en avoir ouvert un, c’est de faire dans la médiocrité. Ou, dit de façon moins soutenue, c’est fait pour écrire de la merde.
Le but est bel et bien de garder le lectorat au courant qu’on est en vie. Si on a un peu de culot, on osera même leur rappeler qu’on a une vie — bien que ce soit rarement le cas des adolescentes désespérées telles que moi, qui vont s’oublier sur Wattpad — raison pour laquelle le chapitre de notre superbe #chick-lit #loup-garou #badboy où une superbe héroïne — pas la substance, car justement sans substance — oméga qui n’a vraiment rien de spécial (pourquoi donc raconter sa vie ?) se fait agresser (bon, si, en vrai, ça c’est marrant à raconter) par l’alpha du lycée avant de se marier à son meilleur ami qui est en réalité un thug de la cité et qui deviendra son proxénète, ne sortira pas avant la semaine prochaine.
— Dieux, quelle chance avez-vous de ne jamais vous être perdus sur Wattpad… —
En gros, un RantBook, c’est surtout un TrashBook, un ShitBook (je veux dire, plus que ce que tu écris déjà dans tes fictions que tu prends beaucoup trop au sérieux, Victoire), voire même un Fesse-Book si j’osais une blague que même José le boomer n’aurait pas tentée car il la trouve indécemment vieillotte (presque plus que le terme ‘‘vieillot’’, c’est dire).
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Parce que c’est peut-être cette partie qui pourrait troubler vos esprits : sept heures, ça fait beaucoup de temps investi juste pour raconter sa journée shopping ou la dernière dispute avec Jessica… ça fait beaucoup de temps investi pour écrire de la MERDE… mais quoi, alors ?
« Comment toi, Wayce, grand esprit chamanique de la production écrite new-age old-school, en est-tu venu à consacrer tes divines journées à une œuvre si controversable ? »
— Avant que vous ne demandiez : non, je n’ai aucune idée de ce que je viens de dire, et oui, je suis très fier d’être allez suffisamment loin dans l’absurde que moi-même je ne comprends plus ce que j’écris —
— L’avantage c’est que peu importe ce que je dis, comme je sais où je déroule mon article, je peux enchaîner avec la réponse quoi qu’il arrive : —
Mes articles n’étaient justement pas de ces brouillons aléatoires (‘‘Aléatoire’’, c’est la catégorie de la plateforme pour les rantbook, c’est dire à quel point le réseau social lui-même se fout bien de ce type de créations) faussement enthousiastes — ce fameux ton artificiel que vous reconnaissez dans les voix robotiques des youtubeurs qui font des #pranks dégustations en couple où ils mangent bleu pendant 24h (ÇA TOURNE MAL, EXPLICATIONS !!!) — mais des articles réfléchis, construits (ou plutôt déconstruits mais au moins c’en était le but) et denses.
Sans partir jusque dans l’égo trip vantardisé, j’avais cherché à créer un véritable havre, non pas de paix, mais d’absurdité et de cynisme. Le propos d’un rantbook c’est de proposer un relâchement à l’auteur dans le rythme soutenu de l’écriture en ayant quand même quelque chose à publier, même si la qualité en pâtit. Dans mon cas, c’était un relâchement dans le style, mais pas vraiment dans la qualité.
Car vous commencez à me connaître, oui, moi, le type qui trouve le moyen d’écrire trois pages complètes de post-scriptum pour parler d’un texte qui n’en fait qu’une. J’ai toujours eu du mal à faire dans la demi-mesure, même pour des projets annexes. Pour une fois que je peux vanter mon perfectionnisme, faisons-en l’archétype titanesque de mes démons chronophages, car effectivement je m’y revois passer des après-midis entières à gratter avec frénésie des phrases absurdement complexes dans des paragraphes schizophrènes ; tout en alimentant en parallèle une liste longue comme mon bras d’idées pour de futures sorties. Pris à la gorge par mes crises d’euphorie, la minutie devint maladive et le besoin de construire un texte pétillant, explosif et capable de retourner le cerveau du lecteur m’enivrait.
Enfin, Wayce ne serait pas Upen ni Foya sans une bonne vieille dose de mégalomanie, le tout saupoudré par l’habituelle pincée amère de chlorure de potassium que l’on peut traduire soit par KCl soit par « Je vais faire mieux que les autres — enfin, ceux que j’ai lus, du moins. »
Parce que je ne peux pas nier que cette méritocratie crasseuse est incrustée au creux de mon corps, et que l’un des premiers buts de cette créature littéraire de Frankenfoya était de montrer à tous ces gosses de treize ans qui se prenaient pour de futurs Rowling ce que pouvait pondre un artiste ayant consacré dix ans de sa vie à l’écriture, même dans un cadre supposément médiocre.
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Là, certains me regarderont avec des yeux de merlan frit, ne s’expliquant pas comment même un escargot de la littérature comme moi peut mettre autant de temps à écrire un billet de blog, même en ayant décidé de le peaufiner à l’extrême. Pour une fois, les mauvaises langues n’auront pas tout à fait tort de râler (mais ne vous méprenez pas, je ne me montre faible que pour leurrer l’ennemi avant de lui asséner un coup aussi gracieux que fatal).
Mon allure de croisière, en supposant que je n’aie pas de crampe à force de noircir le vélin, ce qui arrive assez vite car je n’ai jamais appris à tenir un stylo correctement (je pose ça là parce que ça devait justement faire l’objet d’un article de mon rantbook qui n’est jamais sorti), correspond à peu près à une page-heure.
Ici, les plus numérisés d’entre vous s’offusqueront : « Ces expression étranges, ‘‘noircir le vélin’’, ‘‘tenir un stylo’’… mais attends, Wayce, tu publies sur Wattpad et parles d’écrire SUR DU PAPIER ? Genre, À LA MAIN ? Par quelle sorcellerie es-tu capable de convertir tes courbes manuscrites en données pixelisées ? »
Déjà, je vous demanderai de ne pas parle de mes courbes de cette façon, ça me met plutôt mal à l’aise. Puis, pour répondre à votre question, je vais invoquer une figure mythologique que la plupart des auteurs Wattpad ne connaissent que comme une légende ou un conte pour enfants : la réécriture.
Pas la peine de partir vous cacher, les post-2005, recroquevillés là-bas, au fond de la pièce, vous croyez vraiment que ça ne se voit pas que vos chapitres, en plus d’être aussi originaux qu’un dramione (oui, c’est une insulte), sont écrits dans les ‘‘notes’’ de votre iPhone ? Alors que c’est aussi évident que les accords laissés à l’infinitif et les ratées de l’autocorrect que vous avez oubliées en plein milieu parce que vous n’avez même pas pris la peine de vous RELIRE — NON, JE SUIS PAS ÉNERVÉ (ME TOUCHE PAS !).
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Et parce que vous aurez remarqué que cet article est presque bien construit — un peu comme si je savais ce que je fais — cette remarque nous mène tout droit vers l’ultime arc de la quête épique que je vous ai proposé de suivre ; ce chapitre qui révèle à vos sens l’énigmatique titre de ce billet avec une subtilité digne de la plume de E. L. James.
La coutume qui s’était installée concernant les publications sur mon rantbook, était de recycler mes copies d’examen encore vierges que j’avais embarquées à la fin de mes concours pour y écrire mes conneries. Une sorte de revanche allégorique sur ma prépa, tentant d’en réécrire l’issue de façon sarcastique — fait notable, j’ai encore en ma possession ces version griffonnées de mes articles, car aussi absurde que cela puisse vous paraître, le papier se perd moins facilement que les téléphones portables, chez moi.
Ainsi, je passais bien trois ou quatre heures sur ce premier jet manuscrit (une quantité de travail déjà remarquable pour un simple brouillon) avant de prendre encore deux-trois heures pour les recopier sur mon ordinateur. Plus qu’une banale transcription d’un support à un autre, je veux croire — j’en suis sûr, à vrai dire — que cette étape était la réécriture nécessaire pour atteindre ladite qualité que je soutiens en long, en large et en travers depuis deux pages. C’était le moment de bouger quelques synonymes, d’alambiquer un peu plus mes phrases, de bousculer les répétitions et de broder une meilleure unité en déplaçant parfois un paragraphe ou deux.
Voilà, après sept heures d’un travail acharné, le bébé arrive, prêt à être jeté dans l’enfer de la toile où il serait majoritairement ignoré car — et c’est encore là tout le sujet — mon livre de la médiocrité aléatoirement non-médiocre ne se ferait jamais une place dans la déferlante de contenu approximatif des wattpadiens.
J’étais parti et déjà j’étais perdu. Aussi certain que mon euphorie allait retomber tôt ou tard, que je passerais d’une phase sur-productive à une incapacité accablante, je ne parviendrai jamais à faire de mon rantbook un rendez-vous immanquable de la plateforme.
La dure loi de l’activité dans ce réseau social s’est toujours réclamée de deux articles par semaine. Ce qui eut brièvement été mon objectif n’aurait pu perdurer avec le niveau d’exigence et de contenu que je m’étais fixé et je me contenterais d’une vulgaire contribution mensuelle dans mes meilleurs jours. Ce qui faisait la force des autres rantbook — une publication rapide et régulière, brève et facile à lire — resterait mon talon d’Achille pour bien longtemps encore. L’espoir de voir exploser mon œuvre dans laquelle j’avais investi autant d’heures s’éteignit aussi vite que l’abus d’éthanol éteint les ardeurs en soirée.
Aujourd’hui encore, investir autant de temps dans un recueil à la porté si singulière et anecdotique ne conviendrait pas à l’immensité des projets plus ‘‘sérieux’’ que je me veux décrire avant ma mort.
Fin ?
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Ça ne vous aura bien sûr pas échappé, cet article est construit sur un modèle bien différent des autres, et ce n’est pas pour rien puisque ce format très codifié est celui que j’avais autrefois lancé pour ce rantbook.
Pourquoi ce pas en arrière ? Pourquoi revenir vers quelque chose que j’avais intentionnellement voué à l’oubli ? Est-ce un hommage mal placé ? Une nostalgie maladive ?
En réalité un peu de tout ça et rien à la fois. Il y a quelques jours, je travaillais en groupe sur un projet quand, en nous exilant dans une salle pour mettre nos recherches en commun et avancer, nous sommes tombés sur un trésor inattendu : une pile conséquente de copies d’examen objectivement abandonnées sur une table.
Même si je ne suis pas tant sensible aux ‘‘signes du destin’’, il faut bien avouer que je l’ai pris comme une invitation — et je ne m’étendrai pas sur la façon dont elles se sont magiquement retrouvées au fond de mon sac puis sur mon comptoir.
En effet, à l’heure où j’admets enfin que l’écriture sera mon avenir professionnel, et qu’il n’est donc plus absurde de passer un quart de ma semaine de travail sur mon article débile supposé vous faire passer un bon moment (bien que je m’éclate à l’écrire, c’est toujours mieux que ça soit utile à terme) même si nous savons tous à ce stade que seule une poignée d’élus auront le courage d’aller jusqu’au bout ; à l’heure où je ne fais plus la course à la publication sur un réseau social où l’écriture est un concept qui passe au second plan, le tout pour gagner un peu de visibilité auprès d’un lectorat qui de toute manière n’est en rien le mien ; à l’heure où j’ai enfin accepté de faire parler la passion avant la régularité ; à cette heure-ci, ne peut-on pas envisager de ressusciter un concept passionnel et loufoque, à raison de quelques itérations annuelles qui, bien que chronophages et énergivores, contribueraient à dresser ce paysage grotesque qui est le mien ?
Vous l’aurez deviné sans plus de cérémonie, c’est le Retour allégorique des copies d’examen [RB#11].
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L’Instant Post-Scriptum
♦ J’espère que ce format un peu spécial vous aura plu. J’ai conscience que même si je vous ai habitué à quelques lubies spéciales en déroulant cette année d’articles, le niveau de délire du RantBook est un cran au-dessus. Pour ceux qui lisent ce texte au moment de sa sortie, j’imagine que cette première appréhension du style sera une épreuve du feu. Comme je l’ai dit dans le corps de texte, ce style ne deviendra pas une habitude, mais je m’amuse beaucoup à les construire (en dépit de tout le temps que ça me prend) et ce serait une petite victoire que le format soit pour vous une petite friandise comme ça l’est pour moi.
♦ Dans le souci de reprendre cette méthodologie qui, comme je l’ai dit, apport à ces constructions leur particularité et leur aboutissement, j’ai effectivement produit une version manuscrite comme sur les anciens articles. Je vous le donne en mille, la préparation m’aura bien pris les quelques heures habituelles, mais, vous savez, comme dit l’adage : « quand on aime, on ne compte pas. »
♦ Vous trouverez peut-être que cet article n’est pas équilibré — à voir si l’étape de réécriture me permet de corriger quelques longueurs — mais ce n’est pas anodin. Malgré l’euphorie bien présente, cet article se voulait aussi exhaustif que digressif, ce qui explique sa longueur et le fait qu’il m’ait demandé plusieurs jours de travail, certains plus porteurs d’inspiration que d’autres. Si je me remets effectivement à créer des articles de rantbook comme je l’ai suggéré, il est de toute manière peu probable que je les construise d’une seule traite comme les précédents et comme je l’ai essayé cette fois. Je n’ai que rarement le temps (en ce moment en tout cas) de me lancer sept heures durant à corps perdu dans un projet de cette envergure. Cependant, en ne me mettant pas de deadline, j’espère être à même d’attendre un flash inspiratoire pour continuer à l’écrire, tandis que celui que je publie cette semaine avait une date d’expiration assez précise dans ma tête — je voulais, entre-autres, qu’il n’y ait pas trop de délai entre la découverte de ces copies inspirantes, le déclencheur de cette folle création, et sa publication — et pour cette raison j’ai peut-être un peu forcé la main de mon inspiration les jours où elle me boudait, ce qui explique les différences de ton entre les lignes, aussi variables que mes humeurs.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya
Chef kiss, Monsieur Foya !