3 Juin 2013
[Soupirs]
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des soupirs.
A l’aube comme au crépuscule,
Tes rires semblent minuscules ;
Si intenses pourtant
Qu’ils en sont le déchirement.
Ce sang est d’une couleur si belle
Qu’on en peindrait les hirondelles.
Et le printemps serait la mort,
Au souffle si beau, si fort.
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des soupirs.
C’est l’été qui crache et se moque,
Le soleil qui paraît, alors glauque.
Ton cœur s’emballe, le mien aussi,
Dans cette spirale, ainsi je fuis.
Le chat noir devient panthère,
Treize hommes se retrouvent à terre.
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des soupirs.
Enfin, l’automne est seul, chantant
Sa mélancolie dans un désespoir navrant.
Les sœurs jumelles se quittent ;
Les arbres se taisent, ermites.
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des soupirs.
Hiver, blanc, noir, et gelé.
Cœur, amer et désespéré.
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des sourires ;
Moqueurs, craquelant, broyant les âmes ;
Loin des Enfers et de leurs douces flammes.
De passé, de présent et d’avenir,
Les éclats ne sont que des fous rires,
Qui jamais ne se taisent,
Et qui fauchent les vies ;
Et c’est ainsi que naissent les braises,
Ainsi que tout finit.
En termes d’ésotérisme, Soupirs est ce qui se faisait de mieux en 2013. Sur un coup de tête – ou plutôt un coup de plume – je posais une versification anarchique aux images presque trop nombreuses. Le propos reste flou et la création se situe sur cette mince frontière avec la poésie abstraite. Effectivement, c’est une création expérimentale, mais dans les tons “modernistes” le texte reste loin des incursions déstructurées qui explorent les extrêmes du genre. Nous voilà même à quelques lieues de mes propres créatures de Frankenstein comme L’Amour Antique qui naîtra bien plus tard. À résumer en quelques mots, on dirait : c’est le bordel, mais il y a pire.
Car ici, malgré tout, le but n’est pas de faire valoir la forme au sens. En dépit de ces enchaînements décousus d’images superstitieuses, le poème reste construit et dirigé. Déjà, à l’époque, le raccourcissement des strophes devait représenter la notion du temps qui se consume, ce dernier étant ici incarné par les saisons qui se succèdent. C’est là le principal ressort du texte. Les figures symboliques, elles sont là essentiellement pour construire l’atmosphère et appuyer l’ambiance glauque.
Alors, si on voulait tomber dans la masturbation intellectuelle, on pourrait aller jusqu’à dire que le mélange des symboliques religieuses et des croyances populaires (à la strophe 2) appuie l’insignifiance de toutes ces convictions devant l’existence d’un point de vue biologique. Il existe probablement des centaines de choses que ces vers peuvent vouloir dire de façon inconsciente. C’est le propre de l’abstrait : moins on en dit, plus on interprète. Cependant, je ne vous cacherai pas qu’à mes 16 ans, l’analyse n’était pas aussi poussée.
La volonté de produire un poème autour du thème de la fugacité de l’existence, de la vanité était déjà là et je peux affirmer que ce texte avait une pulsion créatrice et une direction. Ce n’était pas une série de rimes posées là par hasard, mais aller jusqu’à dire que tout a été réfléchi et millimétré pour évoquer tel ou tel raisonnement relèverait de la surinterprétation.
Au-delà du message principal qui se doit d’être transmis pour que le poème soit une réussite, libre à vous de voir ce que votre esprit développe. Le vécu et le ressenti de chacun peut amener une interprétation individuelle. C’est peut-être cette forme d’abstraction avec laquelle je suis le plus à l’aise. Contrairement à l’écriture plus classique qui nous dit où et comment regarder, mais à la différence de l’abstraction totale qui ne nous dit rien, peut-être que le meilleur point de vue est là, lorsqu’on nous dit où mais pas comment.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya