Écrire sans cesse pour ne rien publier...
J’avoue m’être creusé la tête pour le contenu de cet article. Cela aurait été dommage de louper le coche une semaine après avoir acté ma reprise. Plus dommage encore quand on sait que depuis quelques temps je tourne à une moyenne d’écriture de quelques mille cinq-cents mots par jour.
Seul problème ? Ces mots concernent une seule et unique histoire, et presque rien d’autre.
Alors, je ne reviendrai pas une énième fois sur la frustration que m’occasionne la productivité lorsque je ne peux pas la partager, car si je continue mon année sur cette lancée, j’ai bon espoir que le partage d’histoires ne soit qu’une question de mois.
Quoi qu’il en soit, je fais aussi cette publication pour que vous sachiez que Les Malédictions n’ont jamais avancé aussi vite que ces deux dernières semaines. Même à l’époque où j’ai imaginé l’histoire et où j’étais obnubilé par la saveur d’une création tout fraîche et l’envie pressante de la mener à son terme. À ce jour, j’ai presque autant écrit depuis ma reprise que ce qu’il existait déjà de mots l’année dernière. Autrement dit : j’ai doublé la taille du texte.
Dans les faits, et après quelques réflexions, je me suit dit que quitte à écrire quelque chose comme mille cinq-cents à deux mille mots par session journalière, je pouvais bien glisser entre tous ces chapitres des Malédictions quelques one-shots et autres textes courts qui serviraient d’appui à mes articles du Samedi. Vous savez, histoire que ce ne soit pas que du blabla inutile sur mes avancées fantôme comme ce que je suis en train de faire là, tout de suite. Si on y réfléchit, même à consacrer mille mots dans ma semaine à un écrit sorti de nulle part qui ne servirait aucun autre but que celui d’une chips de patate douce à vous mettre sous la dent le temps qu’on cause de vraies histoires dépassant les vingt pages ; même dans ces conditions, il resterait plus de six mille mots aux Malédictions pour progresser. Ce qui est toujours six mille de plus que toute l’année écoulée.
La seule chose qui m’en empêche ? Elle s’appelle l’inspiration.
Ironique, non ? Bon, je m’explique : la semaine passée, je n’ai pas réussi à décrocher des Malédictions pour faire autre chose. Dès que j’avais une plage horaire de libre pour écrire, je ne voulais faire que ça. Je pense que c’est un mélange assez douteux entre l’inspiration au rendez-vous comme elle ne l’était plus durant mes études, et la satisfaction d’une histoire qui grandit chaque jour à vue d’œil. Me dire qu’en seulement une poignée de jours j’ai réussi à boucler un chapitre de vingt-deux pages alors que celui-ci a été ma bête noire pendant des mois… Il n’y a rien de plus savoureux dans une vie d’auteur – à part peut-être la publication, que je n’aie pas encore testée ?
Alors, comment se fait-il que je réussisse à produire autant, ou même à être seulement inspiré sur une scène où je n’arrivais pas à aligner trois mots auparavant ?
Tout tient dans un petit laïus que je vous avais servi lors d’un autre article des mois passés : ‘‘avoir le temps’’. Comme je fais aujourd’hui des sessions d’écriture qui s’étendent sur plusieurs heures, si j’ai besoin de cinquante bonnes minutes pour démarrer, me chauffer, me mettre dans le bain ou aller chercher l’inspiration, ce n’est pas grave. Car il me reste encore plus de trois heures après ça pour écrire comme une fusée ; de quoi rattraper avec allégresse les débuts difficiles. À cela j’ajouterai la possibilité d’être régulier, de me remettre sur mon texte d’un jour a l’autre sans presque aucune interruption. Pas assez de journées d’intervalles pour en perdre le fil, oublier ce que je voulais écrire, ni laisser retomber l’inspiration. Le théorème est simple à énoncer : en doublant le temps accordé à l’écriture, on ne double pas sa productivité, on la triple. Enfin, dans mon cas, c’est ainsi que les choses fonctionnent. Je pense d’ailleurs qu’on peut appliquer ce constat à un bon nombre de travaux ou d’activités.
Pas de méprise, je sais que passer huit heures quotidiennes à gratter du papier pour des fictions personnelles n’est pas donné à tout le monde. Je n’écris pas ces lignes pour faire des envieux ni me vanter, car je suis, bien au contraire, admiratif envers les gens qui arrivent à pondre cinq cent mots à la suite d’une grosse journée de boulot qui s’achève à dix-neuf ou vingt heures. Je sais qu’il y en a, et vous avez tout mon respect, parce que, dans mon cas, j’ai essayé et j’ai échoué.
En revanche, si je vous en parle en ces termes, c’est aussi pour nous rassurer – vous comme moi – en disant que le choix de griller ainsi une année dans la fièvre de l’écriture plutôt que de chercher un emploi stable à la sortie de mes études, reste la meilleure décision que j’aie prise ces quinze dernières années. Je prends aussi une revanche métaphorique sur la vie en affirmant, preuve à l’appui, ce que j’ai toujours dit : je fonctionne mieux en écriture qu’en toute autre chose, si on m’en laisse le temps. Un fonctionnement de merde car très binaire, dépendant du temps que j’ai à y consacrer, mais un fonctionnement tout de même.
Enfin, je n’aurai qu’une conclusion à ce chapitre : oui, auteur est un métier, un vrai métier. C’est une réponse à l’attention de cette majorité qui en doute. Comme tout métier, si on veut s’y mettre dedans tout entier et espérer en vivre un jour, il faut pouvoir lui consacrer sept heures de sa journée, comme tout autre métier. Cela ne veut pas dire que vos écrits seront mauvais avec une fréquence plus basse, mais si vous demandez à un maçon de ne passer qu’une heure par jour à monter les murs de votre maison, ne vous attendez pas à y habiter avant l’hiver…
Écourtons.
L’article de cette semaine brasse encore beaucoup de vent juste pour dire que j’ai mis les bouchées double comme je le promettais depuis un an. En même temps, comme je l’annonçais en introduction, je n’ai pas pris le temps de travailler sur un « à-côté » à vous servir cette semaine.
Que fait-on, dans ce cas ?
Je pourrais me contenter de vous dire que l’attente en vaut mille fois la peine, et que vous serez récompensés lorsque Les Malédictions sortiront, mais c’est un avis qui reste très subjectif. Je ne peux pas détester mon bébé – quoique certains le fassent – sur lequel je travaille depuis si longtemps et qui sera peut-être, miracle ô miracle, la première histoire longue que je conclus.
Maintenant, toujours dans cette optique de vous convaincre que vous ne patientez pas pour rien, je vais faire mien l’adage : « Une image vaut mille mots » et proposer ici un extrait qui fera office de photo encadrée de l’histoire que je vous vends déjà depuis un an, plutôt que de vous vanter en trois paragraphes à quel point elle sera incroyable.
Oui, voilà votre première chips de patate douce, que je vous sers pour vous remercier d’avoir subi jusqu’ici mes frasques et d’avoir eu le courage de lire ce texte jusqu’au bout.
Pour la semaine prochaine, en revanche, je vais m’efforcer de morceler mon temps de travail pour vous imaginer une petite production originale qui comble votre faim pour de vrai.
Attention ! Ce texte est un morceau d’une histoire qui n’est pas présenté dans sa chronologie d’origine. Il pourrait donc contenir des informations susceptibles de divulgâcher certains retournements scénaristiques.
Cependant, la créature eut un sursaut en entendant Melchor prononcer ce nom. Elle se mit à hurler à la mort comme l’aurait fait n’importe quel loup, mais sa masse commença à se contracter de façon inégale. Des parties aléatoires de son corps perdaient en volume à tour de rôle. Certains de ses os semblaient se raccourcir de l’intérieur. Vacillant sur ses pattes arrière, le monstre saisit son crâne entre ses doigts griffus tandis que ses oreilles s’y enfonçaient. Il rétrécissait à taille humaine pendant que son museau s’écrasait en un vulgaire nez. Les menottes argentées qui entaillaient jusqu’alors sa chair étaient désormais presque lâches. Sa mâchoire se rabattit en transformant ses aboiements en des cris bien humains. Enfin, sa peau velue eut l’air de se retourner sur elle-même comme on retourne la housse d’un coussin, faisant disparaître toute la fourrure à l’intérieur de son corps. Il ne resta plus à genoux sur le sol qu’un vulgaire corps nu écroué sous ses chaînes et qui, bien qu’encore massif, faisait pâle figure devant la taille originelle du garou.
L’homme pouvait à peine se mouvoir sous le poids des mailles métalliques, mais il releva la tête vers ses hôtes. Son visage était bouffé par une barbe broussailleuse qui poussait sans contraintes depuis des décennies, mais en-dehors de cet air sauvage qu’elle lui donnait, il restait tout à fait reconnaissable, car il n’avait pas changé, même pas pris une ride.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya