Il fait nuit. Les étoiles brillent de mille feux en l’absence d’une quelconque lumière artificielle. Le ciel de jais est pur, sans un seul voile. Pourtant, la lune est absente. Une étrange forme sombre se déplace, cachant certaines lueurs et en délivrant d’autres.
La roche volcanique, elle aussi, est sombre. Elle se confond dans toute la baie avec les eaux noires d’où elle affleure et où seule l’écume se détache, grisâtre. Cette île jeune est sortie des eaux seulement quelques siècles auparavant. Lorsque le volcan s’endort, des pans entiers retournent au fond de l’océan. Cette berge angulaire sur laquelle je suis est taillée par la force des vagues qui viennent s’y écraser.
Dans la nuit, certaines d’entre-elles s’échouent devant moi, éclatent contre les rochers, recouvrent mes pieds ou mes jambes. Je sens cet air marin et toute cette eau qui fouettent mon visage. Le vent n’est pas un vent de tempête, mais il souffle fort au beau milieu des mers.
Cette odeur de sel marin me rend humble face aux forces que déploie l’océan. Elle m’apaise.
Puis, peu à peu, les vagues changent leur course. Elles s’estompent plus tôt, sont déviées sur les côtés. Elles se brisent plus facilement. Comme si l’île se mouvait sans que je ne le sente.
C’est lorsque l’une d’entre-elles arrive devant moi, dans son lent déplacement, que j’aperçois ces formes qui se mouvaient haut dans le ciel un peu plus tôt. Ce sont d’immenses structure en pierre, sombres comme le roc de l’île. Des arches retournées en U, aux bras évasés. Une pointe douce se dessine à l’extérieur de leur courbure. Leurs bords lisses et leurs quelques reliefs géométriques montrent qu’elles ont été taillées. Face à leur vingtaine de mètres, je ne suis rien.
La première plonge son bec dans l’eau et continue d’avancer vers moi en ralentissant. Lorsqu’elle se trouve à portée de main, devant le rivage, elle s’arrête. Elle s’est enfoncée dans les eaux noires, si bien que les vagues la chevauchent. La surface intérieure de la hanse est à la hauteur de mes pieds.
La lune s’est libérée. Elle était cachée derrière ces arches de pierre sombre. Désormais je vois sa lueur entre les monolithes. Sous son éclairage, je les distingue qui s’élancent sur l’horizon. Tous ces blocs, qui sont plusieurs centaines, s’alignent les uns derrière les autres à intervalles réguliers en décrivent de larges courbes, comme si on avait placé l’armature d’un pont. Cette série d’étriers de géant semble mimer un escalier se déroulant vers l’inconnu.
Le vent a changé de direction. Auparavant face à moi, il est désormais dans mon dos. J’ai l’impression qu’il me pousse à emprunter cette voie vers l’inconnu. Je n’ai pas peur, même si je suis incapable de savoir ce qui l’a placée là. Si c’est une magie ancienne ou une technologie encore inconnue des humains.
Je prends une grande inspiration, étend ma jambe au-dessus des eaux remuantes.
Mon pied se pose sur la première arche.
Je m’en vais.
L’article d’aujourd’hui n’est pas le petit résumé de la semaine habituel. Je réfléchis encore à ce dernier, mais en vérité je voulais surtout tenir la promesse que je vous ai fait la dernière fois : j’avais dit que je publierai un peu plus pour me rattraper du moment où je me suis contenté des deux articles par semaine. Or, cette semaine, les révisions de partiels n’ont pas aidé. Alors, puisque là j’ai un peu de temps devant moi et de l’avance, je me suis dit que ce serait une bonne chose d’étoffer ce site avec d’autres de mes productions. Dans l’ordre où je souhaite les publier, je prépare donc les post de la semaine prochaine en espérant pouvoir vous en proposer un peu plus. Dans tous les cas, cette avance ne sera jamais perdue puisque dans le meilleur des cas ce sera une assurance pour publier dans les temps malgré d’autres évaluations qui arrivent. Cependant, comme je ne veux pas encore tomber dans le chaos de démarrer plusieurs textes longs simultanément et parce qu’ils font autant partie de mon œuvre, je vous présente là des itérations plus courtes qui forment des unités indépendantes. Phrase complexe pour dire que je propose un texte bref.
Après avoir relu quelques-uns de ceux-ci, je me suis dit que je voulais malgré tout les garder de côté pour des articles un peu singuliers, comme ici. En fait, je n’en ai pas écrit des dizaines, donc je ne veux pas non plus en déverser à la chaîne jusqu’à me retrouver à sec. Les contextes dans lesquels j’écris ces textes courts sont souvent particuliers, parfois sous l’impulsion d’autres personnes, donc ces sessions sont plutôt rares. Même si je me suis plusieurs fois interrogé sur le fait d’écrire des nouvelles, je ne maîtrise pas encore suffisamment la narration brève pour m’y lancer pleinement. Certes, il faudrait que je m’entraîne, car c’est un genre comme un autre, et il suffit d’en apprendre les codes et de les travailler pour s’améliorer. Néanmoins, vous le savez, je croule déjà sous les projets alors ce n’est peut-être pas le moment de me lancer dans un recueil de nouvelles, même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque.
Concernant ce texte, il découle d’un rêve dont je me souvenais suffisamment pour poser quelques descriptions dessus. Vous vous en êtes peut-être douté en le lisant au vu de son thème et sa structure particuliers, un peu nébuleux. En revanche, cela fait que je n’ai pas grand-chose à en dire. Il ne vient pas d’une intention particulière, d’une expérience inventive ou d’un besoin de raconter un événement. Il s’agit d’un artefact de mon imagination que ma mémoire a décidé de conserver. Bien sûr, je m’en suis fait mes propres interprétations et j’ai envisage de le relier à certaines choses que j’ai déjà écrites – une obsession chez moi, je le rappelle. Pourtant, cet écrit n’a fondamentalement pas de « raison » d’exister, il est là, c’est tout, et c’est peut-être ce qui en fait l’intérêt, surtout au vu de ce qu’il raconte.
Paradoxalement, c’est ce genre de textes que j’aimerais pouvoir écrire plus souvent. Ils incarnent une forme d’insouciance et n’ont pas besoin de propos pour exister, chose que je trouve assez poétique. Au final, même si ce n’est pas leur but, je me doute que certains y trouveront des choses à interpréter, et je m’en satisfais. Le problème, c’est que je ne peux pas les écrire si je désire le faire, puisque cela briserait la spontanéité qui en est le principe de base. C’est aussi pour cette raison que je ne veux pas les épuiser : même si je venais à écrire des nouvelles ou ce genre de choses, elles n’auraient pas la même saveur que ces petites instances oniriques sur lesquelles je n’ai aucun contrôle.
Cependant, si vous avez apprécié celui-ci, sachez que j’en ai encore quelques-uns dans ma hotte, et qu’ils viendront tôt ou tard se livrer à votre lecture. Il y a un dossier qui leur est réservé sur mon disque dur, il y aura donc une place qui leur sera attribuée sur le site.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya