Attention ! Ce texte est un morceau d’une autre histoire qui n’est pas présenté dans sa chronologie d’origine. Il pourrait donc contenir des informations susceptibles de « spoiler » certains plots scénaristiques.
Le bruit sourd d’un poids mort tombé dans une benne à déchets fit trembler les murs de brique de la ruelle. Après une série de frottements incertains et de vociférations au milieu des sacs en plastique, une tête aux cheveux pâles émergea avec fureur. Après un crachat au sol légèrement nimbé de rouge, une plainte s’éleva à l’encontre de la silhouette qui montait la garde un peu plus loin.
« Bordel, Tam, c’était quoi cette idée de merde ? J’ai dû me péter au moins trois côtes. »
La rousse à qui s’adressait la remarque ne broncha pas une seconde. Comment pouvait-elle tenir une posture aussi raide et stable alors qu’elle les avait précédées dans la même chute d’une petite minute, à tout casser ?
« Trois côtes ? gémit une voix fluette encore couvée dans le conteneur. J’y ai probablement laissé mon tibia.
— Les côtes ça se resoude et les membres, ça repousse ! » rétorqua Tamseen en se retournant vers ses deux camarades noyées dans les déchets. Elle revint vers elles d’un pas lourd, le visage crispé. L’idée de jouer les nounous dans un moment aussi critique la faisait grincer des dents. Elle tendit la main en direction de la fille aux cheveux blancs et l’aida à sortir d’un mouvement sec, en ruminant : « Maintenant, bougez-vous, il faut qu’on se casse d’ici avant qu’ils ne se rendent compte qu’on n’est plus là. »
Ceridwen bondit hors de la poubelle mais vacilla en retombant sur ses pieds. L’impact venait de lui couper le souffle en remontant dans sa poitrine. Elle avait effectivement morflé plus qu’elle ne l’aurait cru avec ce saut de l’ange. La rouquine la laissa reprendre ses esprits et sa respiration en servant de béquille avant d’aller chercher la petite brune qui se plaignait d’être oubliée au fond de la benne.
« Qu’on se mettre bien d’accord, grommela Tamseen face aux deux estropiées, il va falloir trouver un moyen de vous régénérer plus vite, parce que je vais pas pouvoir vous baby-sitter jusqu’à la fin de temps.
— Je trouve que tu prends un peu trop la confiance, rétorqua Liora qui faisait quelques pas boitillants pour sonder l’état de sa jambe. Peut-être que t’as eu droit à une formation accélérée avec ta chère mamie King-Fu, mais c’est pas le cas de tout le monde ici. Faudrait peut-être y mettre du tien et nous apprendre deux-trois tours si tu veux qu’on fasse mieux ?
— Oh ! Eh bien, c’est pas que j’en aie pas envie, mais pour ça faudrait qu’on arrive à passer plus d’une journée sans que l’entièreté du cosmos nous agresse, feula Tamseen en pointant la fenêtre du troisième d’où elles s’étaient jetées.
— Tu dis ça comme si ça n’avait rien à voir avec toi, mais c’est ton sang qui est foiré, à ce que je sache, pas le nôtre ! » Liora s’était approchée de Tam avec un air de défi. Cette dernière plissait le nez et serrait les poings, visiblement au bord de l’explosion.
« Les filles, calmez-vous. » La voix de Ceridwen était posée mais ferme, comme toujours. Et comme toujours, cette simple injonction mit fin au débat et rappela les deux autres à l’ordre. Après avoir remémoré qu’elles étaient officiellement en train de s’échapper, elle les enjoint à se mettre en route tout en insistant sur le mot d’ordre des Nummulites.
« J’aimerais surtout que tu te souviennes, Liora, que Tam n’a pas plus de responsabilité que qui que ce soit d’autre dans cette histoire. Je pensais avoir été claire à ce sujet : chacune d’entre nous a signé le pacte, au même titre que toutes les autres. »
La brune serra les dents et acquiesça, le regard perdu sur le sol.
« Par contre, je crois que je vais pas pouvoir marcher et encore moins courir, » ajouta-t-elle toujours mal à l’aise. Elle savait exactement comment se résolvait ce type de situation.
Tamseen la fit monter sur son dos et la souleva comme si elle ne pesait pas plus lourd qu’un oreiller et les trois demoiselles se mirent en route au pas de course, vers l’artère principale de centre ville. En tant que détentrice du fameux sang foiré ayant suivi le stage de (re)mise en forme de mamie Kung-Fu, sa constitution s’améliorait presque quotidiennement et porter une gamine, qui plus est cette brindille de Liora, n’était même pas un défi.
C’est contre toute attente que le texte d’aujourd’hui tourne autour de mes petites Nummulites. Il n’était d’ailleurs plus tellement courant que les articles hebdomadaires présentent des choses écrites très récemment — enfin, je dis ça alors que celui de la semaine dernière était une page de rantbook justement produite pour l’occasion, mais dans mon esprit, l’exception concerne les textes de fiction. Je brise alors deux malédictions d’un seul revers de plume puisque non-seulement cet extrait est tout frais de mardi dernier, mais en plus il vient mettre fin au vide intersidéral d’inspiration qui garnissait ma page blanche depuis plus d’une semaine. Évidemment, après avoir potassé The U-Niverse et Les Malédictions pendant des heures dans l’espoir que mes projets courants ravivent la flamme, cette ingrate [d’inspiration] a, encore une fois, décidé de me souffler une histoire que je n’avais plus sous le coude depuis des mois.
Désespéré de ne rien gratter, j’ai pris un vieil agenda — oui, bah, on recycle comme on peut, hein — et j’ai essayé de pondre un petit texte sans grandes implications. C’est d’ailleurs peut-être ce qui m’a débloqué : prendre le large par rapport à toutes ces mythologies pour lesquelles j’exige le meilleur et où je dois réfléchir le moindre détail pour parfaire la cohérence.
Ça ne veut pas dire que j’ai cédé à la médiocrité, évidemment ; et d’ailleurs je trouve que pour une production récente, le texte ne s’en sort pas trop mal dès son premier jet. Je me suis juste mis moins de pression ici que sur un U-Niverse, que je veux voir devenir un de ces projets culte et emblématique du site, qui accompagnerait et marquerait certains lecteurs sur plusieurs années (oui, on en est à ce niveau-là de mégalomanie, mais écoutez, il faut bien se galvaniser comme on peut).
Pourtant, Inséparables n’est pas non plus une fiction à prendre à la légère. Je ne vais pas m’étendre sur celle-ci car, on ne cessera de le dire, « les idées seules ne valent rien », et tant que je n’ai pas plus à vous montrer je préfère rester discret. Mais je préciserai, pour vous donner la mesure, qu’elle fait partie du ‘‘canon’’ du Cyndrespace, et pas pour des broutilles — je peux d’ailleurs vous promettre qu’un jour, la fameuse ‘‘mamie Kung-Fu’’ sonnera pour vous comme une évidence.
Pourtant, depuis la genèse de ce projet, j’ai toujours été incapable de dire quelle sera sa forme définitive. Une chance, aussi, puisqu’il se prête donc bien à ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui des #shorts littéraires. Ces fameux petits textes sans contexte qui parlent d’une seule scène perdue au milieu d’un univers à peine effleuré. C’est une agilité que j’ai fini par perdre en mettant au centre de mes écrits ce besoin de cohérence absolue, où l’histoire se déroule entière et complexe.
Ce mini format qui est pourtant une aubaine pour un site à publication régulière comme celui-ci. Je serais donc bien inspiré d’en retrouver les clés.
Ma foi, ne perdons pas espoir. Il y a bien encore, dans tout ce bric-à-brac imaginaire, des impromptus à vous faire découvrir. L’article d’aujourd’hui en est un bel exemple.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya