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Image par Engin Akyurt de Pixabay

Poème #21 – À tout Rompre

24 Mars 2014

[À tout Rompre]

Avec l’envie profonde

De m’effondrer en larmes

Avec l’envie profonde

Qui, de loin, me désarme

Avec la haine au ventre

Et la douleur au cœur

Les effluves de peur,

Brodées de cris, entrent

Bris de verre

Éclats d’acier

Bris de tonnerre

Âme déliée

La moisissure

D’une lumière salie

D’une profonde blessure

Et d’une promesse trahie

Je voudrais vivre encore

Autant que de mourir

C’est souffrir plus fort

C’est écouter les rires

Des espoirs volontaires

Et de copieux chemins

Où cheminent certains,

Où j’ai brisé mes vers.

Avec l’ombre attendrie

Et ses bien lestes bords

Qui, pour l’avenir, s’allient

Et pour braver les morts

Perdu, je l’ai toujours été

Et je le resterai

Ici ou dans l’au-delà

Pas de remède à ce mal-là

Mais, s’ils ne cessent pas

C’est bien loin que mes pas

M’emmèneront sous peu

Par un sentier miteux

Dans un quelconque endroit

Où le vide foudroie

L’ennui importe peu

Le plaisir ne compte pas

Comme un monde merveilleux

Dont on ne ressort pas

Qui me prendra mes sens

La raison, que je n’ai pas

Pourrira mon essence

Plus qu’elle ne l’est déjà

Je parle de ce lieu

Entre vie et trépas

Où les rires se font peu

Où les rêves ne vont pas

Où la perte est seule reine

Et où rien ne la freine

Où la perte est seule rime

Où nos joies s’enveniment

Là où je suis un peu, déjà,

Dans l’ombre de ma foi

Dans la perte d’espoir

Et dans le foyer noir

Dans la défaite et le repos

Plus éternels qu’il ne faut

Plus fous que les mirages

Plus perdus qu’au naufrage

Avec l’envie profonde

De m’effondrer en larmes

Avec l’envie profonde

Qui, de loin, me désarme

Je préfère encore mordre

Un miroir à pleines dents

Plutôt que de me tordre

De mes effluves d’errant

Car le mal que je porte

Qui va de pair avec ma joie

Jamais ne s’avorte

Et jamais ne s’en va.

Voilà un texte un peu perdu entre deux mondes. D’un côté, il constate un mal être dont il n’est pas possible de se défaire. Il est peut-être un peu défaitiste sur ce point, ce qui lui vaut de faire partie des Horizons Déchus. Nous parlons d’un sentiment, il entrerait alors plutôt dans cette catégorie de feuilles mortes qui « cristallisent l’émotion » pour la catharsis. Néanmoins, le récit se place à un autre point de vue que le ressenti direct.  

Ce n’est pas comme dans À Feu et à Sang, où les émotions présentées sont là, juste sous notre nez, presque tangibles. Ici, le constat est fait avec un certain recul, oserai-je dire presque une certaine maturité. Alors, certes, l’expression n’est pas particulièrement joyeuse, mais ce choix d’observation permet de tempérer l’émoi : la description est beaucoup plus froide et impassible que ce qu’elle aurait pu être. Il ne s’agit pas d’un déferlement chaotique de vers, enfin pas complètement. 

Car, comme je l’ai dit en commençant ce PS, le texte est à cheval entre ces deux voies, et c’est probablement ce qui lui fait défaut. Certaines images sont trop vagues pour épouser le format d’un poème « réfléchi ». Certains vers relèvent directement de l’abstraction que je nommais « ésotérisme » lorsque je présentais Soupirs et qui, ici encore, me paraît trouver un sens. 

Dans les faits, je pense que À tout Rompre souffre encore du même fléau que beaucoup de ses camarades, cette immuabilité que j’ai promue en créant le recueil. Aujourd’hui, avec un regard fort de six ou sept ans d’écriture supplémentaires, je peux clairement dire que l’ode gagnerait à basculer dans l’un ou l’autre de ces styles. Le texte gagnerait en consistance et le propos deviendrait plus percutant. 

En revanche, je n’ai pas autant de mal à accepter ce poème que ce que j’ai pu en avoir avec certains. Notamment parce qu’il y a quelques strophes (par exemple, la dernière) empreintes de fulgurances que je ne suis pas sûr de retrouver aujourd’hui. Tout n’est pas à jeter, clairement. Je suis juste un peu mitigé à l’idée que le lien entre ces images et ces vers plutôt bons le soient beaucoup moins. 

 

Sur ce,

Belle Lune,

Wayce Upen Foya

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