24 Mars 2014
[À tout Rompre]
Avec l’envie profonde
De m’effondrer en larmes
Avec l’envie profonde
Qui, de loin, me désarme
Avec la haine au ventre
Et la douleur au cœur
Les effluves de peur,
Brodées de cris, entrent
Bris de verre
Éclats d’acier
Bris de tonnerre
Âme déliée
La moisissure
D’une lumière salie
D’une profonde blessure
Et d’une promesse trahie
Je voudrais vivre encore
Autant que de mourir
C’est souffrir plus fort
C’est écouter les rires
Des espoirs volontaires
Et de copieux chemins
Où cheminent certains,
Où j’ai brisé mes vers.
Avec l’ombre attendrie
Et ses bien lestes bords
Qui, pour l’avenir, s’allient
Et pour braver les morts
Perdu, je l’ai toujours été
Et je le resterai
Ici ou dans l’au-delà
Pas de remède à ce mal-là
Mais, s’ils ne cessent pas
C’est bien loin que mes pas
M’emmèneront sous peu
Par un sentier miteux
Dans un quelconque endroit
Où le vide foudroie
L’ennui importe peu
Le plaisir ne compte pas
Comme un monde merveilleux
Dont on ne ressort pas
Qui me prendra mes sens
La raison, que je n’ai pas
Pourrira mon essence
Plus qu’elle ne l’est déjà
Je parle de ce lieu
Entre vie et trépas
Où les rires se font peu
Où les rêves ne vont pas
Où la perte est seule reine
Et où rien ne la freine
Où la perte est seule rime
Où nos joies s’enveniment
Là où je suis un peu, déjà,
Dans l’ombre de ma foi
Dans la perte d’espoir
Et dans le foyer noir
Dans la défaite et le repos
Plus éternels qu’il ne faut
Plus fous que les mirages
Plus perdus qu’au naufrage
Avec l’envie profonde
De m’effondrer en larmes
Avec l’envie profonde
Qui, de loin, me désarme
Je préfère encore mordre
Un miroir à pleines dents
Plutôt que de me tordre
De mes effluves d’errant
Car le mal que je porte
Qui va de pair avec ma joie
Jamais ne s’avorte
Et jamais ne s’en va.
Voilà un texte un peu perdu entre deux mondes. D’un côté, il constate un mal être dont il n’est pas possible de se défaire. Il est peut-être un peu défaitiste sur ce point, ce qui lui vaut de faire partie des Horizons Déchus. Nous parlons d’un sentiment, il entrerait alors plutôt dans cette catégorie de feuilles mortes qui « cristallisent l’émotion » pour la catharsis. Néanmoins, le récit se place à un autre point de vue que le ressenti direct.
Ce n’est pas comme dans À Feu et à Sang, où les émotions présentées sont là, juste sous notre nez, presque tangibles. Ici, le constat est fait avec un certain recul, oserai-je dire presque une certaine maturité. Alors, certes, l’expression n’est pas particulièrement joyeuse, mais ce choix d’observation permet de tempérer l’émoi : la description est beaucoup plus froide et impassible que ce qu’elle aurait pu être. Il ne s’agit pas d’un déferlement chaotique de vers, enfin pas complètement.
Car, comme je l’ai dit en commençant ce PS, le texte est à cheval entre ces deux voies, et c’est probablement ce qui lui fait défaut. Certaines images sont trop vagues pour épouser le format d’un poème « réfléchi ». Certains vers relèvent directement de l’abstraction que je nommais « ésotérisme » lorsque je présentais Soupirs et qui, ici encore, me paraît trouver un sens.
Dans les faits, je pense que À tout Rompre souffre encore du même fléau que beaucoup de ses camarades, cette immuabilité que j’ai promue en créant le recueil. Aujourd’hui, avec un regard fort de six ou sept ans d’écriture supplémentaires, je peux clairement dire que l’ode gagnerait à basculer dans l’un ou l’autre de ces styles. Le texte gagnerait en consistance et le propos deviendrait plus percutant.
En revanche, je n’ai pas autant de mal à accepter ce poème que ce que j’ai pu en avoir avec certains. Notamment parce qu’il y a quelques strophes (par exemple, la dernière) empreintes de fulgurances que je ne suis pas sûr de retrouver aujourd’hui. Tout n’est pas à jeter, clairement. Je suis juste un peu mitigé à l’idée que le lien entre ces images et ces vers plutôt bons le soient beaucoup moins.
Sur ce,
Belle Lune,
Wayce Upen Foya